Homme d’exploits et de passions, artisan de quatorze titres de champion du monde à la tête de la Scuderia Ferrari, Jean Todt mène en tant que président de la FIA un combat sans relâche contre l’insécurité routière.
Envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies pour la sécurité routière depuis 2015, Jean Todt publiera le 19 novembre un essai au titre explicite: Des millions de vies à sauver... sur les routes du monde.
Il est ce mercredi à Monaco pour une réunion du High Level Panel de la FIA pour la sécurité routière, une instance qui rassemble 82 personnalités internationales de premier plan, dont la princesse Charlène.
1,15 million de morts du Covid-19 et 1,4 million de morts sur la route chaque année. Y a-t-il deux poids, deux mesures?
Même si c’est un peu cynique à dire, on s’est malheureusement habitués à voir des morts et des blessés sur les routes. On pense souvent que ça n’arrive qu’aux autres et on ne fait pas suffisamment attention. La Covid est un monstre qui a envahi la planète par surprise et qu’on ne sait pas encore combattre. Sur les 1,15 million de morts, il semble que beaucoup de personnes avaient des fragilités et étaient âgées. Aujourd’hui, nous n’avons pas le vaccin, contrairement à la route pour laquelle nous savons ce qu’il faut faire. Les accidents constituent la première cause de mortalité chez les jeunes de 5 à 29 ans. C’est pour cela qu’il faut donner davantage de visibilité aux actions permettant de diminuer le nombre de victimes sur les routes. Il s’agit d’une pandémie à laquelle nous pouvons mettre fin.
Pourquoi n’agit-on pas davantage?
Cela dépend des pays. 90 % des victimes sont comptabilisées dans les pays en voie de développement. Il y a des endroits dans le monde où des progrès significatifs ont été réalisés. La France fait beaucoup, mais nous sommes moyens parmi les bons élèves. Les meilleurs, ce sont les pays scandinaves, la Suisse,
le Japon, l’Allemagne.
Qu’est-ce qui manque à la France pour faire mieux?
Davantage d’attention et de discipline au niveau du respect de la vitesse, du port de la ceinture, de l’alcool, du téléphone... L’un des rares effets positifs de la Covid, c’est la baisse du trafic, donc du nombre d’accidents. Mais certains accidents ont été plus graves, car avec des vitesses supérieures. Le confinement aurait dû être l’occasion de tendre vers zéro mort. La " vision zéro " doit être l’ambition d’un pays comme la France.
Avant d’arriver à cet objectif, quels sont les enjeux de cette décennie en la matière?
La sécurité routière fait partie des objectifs des Nations Unies en matière de développement durable. C’est l’objectif 3.6 qui consiste à diviser par deux le nombre de victimes entre 2020 et 2030. Lors de la décennie précédente, il n’a pas été atteint. Nous devons tout faire pour essayer d’y parvenir.
La sécurité routière, c’est d’abord l’affaire des gouvernements?
C’est trop facile de dire cela. Chaque individu doit se comporter de manière responsable, quel que soit le rôle qu’il joue sur la route : piéton, cycliste, motocycliste, passager, transporteur... Cela passe aussi par la formation. C’est comme dans la lutte contre la Covid. Avant d’avoir le vaccin, il faut une prise en charge de chaque citoyen. C’est pareil sur la route.
La pandémie modifie aussi la mobilité...
Dans toutes les villes, la pratique du vélo se développe, mais bien souvent, les cyclistes ne mettent pas de casque. On loue de plus en plus de trottinettes électriques sur lesquelles on monte à deux en roulant sur les trottoirs sans faire attention aux autres ni au Code de la route. C’est une jungle. Il faut davantage de précautions.
Vous défendez l’idée d’un sommet de la route, à l’image des sommets sur le climat. Pour quoi faire?
Les sommets permettent de faire avancer les grandes causes en associant les états membres et le privé. La route manque de moyens. Par exemple, au Rwanda, tout le monde porte le casque, mais ceux-ci ne sont pas homologués et cassent comme du verre. Nous sommes en train de travailler pour donner accès à des casques homologués à moins de 20 euros.
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