C’était dans le monde d’avant. Un an avant la déferlante Covid-19. Trois ans avant le lancement de l’ère actuelle des monoplaces à effet de sol.
Le dimanche 26 mai 2019, Lewis Hamilton se rue vers son troisième triomphe monégasque. Après avoir établi le record de la piste en Q3 à plus de 171km/h de moyenne - 1’10’’166, une référence toujours en vigueur aujourd’hui -, le poleman britannique se transcende pour transformer l’essai sur la plus haute marche du podium. Contraint de composer avec un mauvais choix de pneus, il se transforme en épicier afin de compenser la bévue des stratèges du camp Mercedes. Durant 63 tours, le leader gère parfaitement l’usure de ses gommes "mediums", reste imperméable à la pression incessante exercée dans ses rétros par la Red Bull d’un certain Max Verstappen, même sur des œufs en fin de course. De quoi honorer dignement la mémoire de Niki Lauda, l’illustre directeur non exécutif du team étoilé disparu en début de semaine.
C’était le monde d’avant. Quand les Flèches d’Argent mettaient dans le mille chaque week-end, ou presque. Chaque saison, à coup sûr. Depuis ce troisième et dernier jour de gloire en Principauté, "King Lewis" n’a plus jamais bouclé le moindre tour dans le top 5 du plus prestigieux des GP (épreuve annulée en 2020, 7e en 2021, 8e en 2022). Devenue une machine à gagner implacable lors de l’entrée en piste du moteur V6 turbo-hybride, l’écurie de la firme allemande, après avoir empilé 15 titres suprêmes pilotes (7) et constructeurs (8) entre 2014 et 2021, a manqué le virage de la nouvelle réglementation technique, l’an passé. Un ratage payé cash!
C’est peu dire que cette originale W13 mal née se distinguant de ses rivales par des pontons minimalistes donna du fil à retordre aux pilotes tout comme aux ingénieurs durant un exercice 2022 guère fructueux. Résultat: une seule et unique victoire arrachée par le jeune loup George Russell en fin de saison (GP du Brésil)... et une dégringolade au 3e rang de la hiérarchie des équipes, derrière Red Bull, le meilleur ennemi, et Ferrari.
S’agissait-il d’une simple éclipse? Apparemment, non. Sous les traits de la W14 apparue avec le même concept cet hiver, l’étoile conserve son mystère.
Début mars, dès la mise à feu dans la fournaise de Bahreïn, Hamilton, 5e à 50 secondes de la comète Verstappen, et Russell, 7e, ont compris que la traversée du désert allait se prolonger quelque temps. Au volant d’une monoplace désespérément inconstante, imprévisible, difficile à exploiter, l’un et l’autre n’ont pas le choix: ils doivent prendre leur mal en patience.
Toto Wolff, lui, en a marre de ronger son frein. Pour le moins chagriné de voir Aston Martin, l’une des trois écuries clientes de Mercedes, lui tailler des croupières, le patron montre régulièrement des signes d’agacement. En témoignent les petites phrases distillées ici et là.
"Nous avons commencé 2022 à 6 dixièmes des meilleurs et nous entamons 2023 encore à 6 dixièmes, c’est la triste réalité (GP de Bahreïn) ".
"Il ne s’agit pas d’ajouter de l’appui aérodynamique, mais plutôt de donner aux pilotes une voiture en laquelle ils aient confiance (GP d’Azerbaïdjan)".
"La W14 n’est pas assez rapide et on ne comprend pas pourquoi. Notre auto ne rebondit plus, voilà la seule amélioration par rapport à l’an dernier (GP de Miami) ".
Du côté de l’usine, à Brackley, les cerveaux continuent à phosphorer pour que cette nouvelle saison de transition soit la dernière. En espérant dans l’immédiat que le tourniquet monégasque convienne autant à la capricieuse Benz que le circuit de l’Albert Park, à Melbourne (GP d’Australie), où le champion du monde puissance 7 est malgré tout parvenu à s’inviter sur la 2e marche du podium...
commentaires