À eux deux, ils pèsent neuf titres de champion du monde des rallyes (WRC). Ont raflé sept Monte-Carl’. C’est bien simple, de 2004 à 2012, Sébastien Loeb et Daniel Elena étaient tout simplement imbattables. Intraitables sur le bitume comme sur neige. Hier, à deux heures d’avaler l’asphalte de ce rallye mythique, le pilote alsacien, 45 printemps au compteur, et le copilote monégasque, 47 ans, ont fait un détour à… l’école. Au collège Charles-III que Daniel Elena a, jadis, fréquenté. Sur le principe de l’émission de télé Au tableau !, où des personnalités sont interrogées par les enfants, le duo de Hyundai Motorsport a répondu à toutes les questions d’une classe de 3e. Sans exception. Sans langue de bois. Quelques classes plus loin, le duo finlandais Suninen-Lehtinen s’est prêté au même exercice.
Alexandre : Pourquoi le rallye ?
Sébastien Loeb : J’ai toujours aimé la vitesse que ce soit à vélo, en moto ou en voiture. J’ai participé à une opération "Rallye Jeunes" organisée par la Fédération et Peugeot. Ça ne coûtait que 15e et je n’avais pas d’argent pour faire du rallye. J’ai fini 1er devant 15 000 participants. Cela m’a permis de me faire repérer et aider par des gens qui ont vu que j’étais plutôt doué. Avec le recul, c’est la discipline qui me plaît le mieux.
Samuel : Avez-vous déjà eu des problèmes radio en course ?
Daniel Elena : Tous les jours [rires]. Non, on a une bonne technologie. Les casques sont sans cesse révisés pour éviter cela.
Greta : Quelle est la fonction d’un copilote dans une course ?
D.E. : C’est d’abord une secrétaire. Il faut connaître toute la réglementation. On gère le timing, on a des horaires imposés à la minute près. Dans les spéciales, on annonce les notes virage par virage. La différence entre un pilote et un copilote, c’est que le second a un cerveau [rires]. J’ai une devise : toujours prévoir l’imprévisible. Il faut être sur le qui-vive en permanence.
S.L.: Pour préparer les spéciales, on effectue des reconnaissances en début de semaine. Je lui dicte ma description de la route avec les distances et virages. On filme le second passage pour corriger des choses et être prêt le jour J. Donc, en gros, le cerveau c’est le pilote. Le copilote ne fait qu’écrire ce que le pilote lui dit [rires].
Comment devient-on copilote ?
S.L. : Quand on rêve d’être pilote mais qu’on ne sait pas conduire [rires].
D.E. : Déjà, les rallyes jeunes sont interdits aux Monégasques en France. C’est du racisme. Je sors d’une petite famille monégasque avec peu de moyens, copilote était le meilleur moyen de débuter dans le rallye. Je m’éclate autant à droite qu’à gauche. Puis j’ai rencontré Seb et on a gravi les échelons. Quand on a débuté, on n’avait rien. Je dormais chez sa mère en Alsace sur le canapé, avec le chat sur la tête. Au fin fond du Touquet, on avait mangé steack-purée pendant dix jours car on avait à peine 10e.
Titouan : Avez-vous déjà pensé à faire de la Formule 1 ?
S.L. : En tant que sponsorisé par Red Bull, on m’avait offert une séance d’essais de F1. J’avais fait des bons temps. Red Bull s’est alors dit pourquoi pas emmener un pilote de rallye en F1. Il y a eu une idée mais elle ne s’est pas concrétisée. Je n’ai pas de regrets. La F1, c’est top. Mais les sensations de pilotage en rallye sont encore plus sympas. J’étais fait pour ça.
Lorenzo : Faut-il une bonne condition physique pour le rallye ?
S.L. : Oui, mais rien de comparable à celle d’un marathonien. La F1 est plus physique que le rallye car il y a des « G ». Après, un rallye dure trois jours. Il faut être concentré, avoir une bonne santé générale. L’effort physique n’est pas extrême, sauf dans les rallyes où l’on se bat avec le volant avec 50 ou 60 degrés dans la voiture. Je travaille l’endurance car ce n’est pas mon point fort.
Florian : Votre pire souvenir en course ?
S.L. : Mon premier rallye date de 1997. En 1998, j’étais le jeune espoir français. Lors d’un rallye, on est sorti de la route. La voiture était détruite mais, en tant qu’amateur, on avait des assurances spéciales. La voiture coûte plus cher que ce que vous avez ! On l’a donc réparée. Au rallye d’après, on a fait une séance d’essais pour la tester. J’ai recassé la voiture mais elle n’était pas assurée pour les essais. Pour moi, ma carrière était terminée. On n’avait plus d’argent pour la refaire. Je n‘ai pas participé au rallye d’après. J’ai pensé que tous mes espoirs allaient s’effondrer. Sans aucun doute le moment le plus difficile de ma carrière.
Lucas : Quel a été votre adversaire le plus redoutable ?
S.L. : J’ai eu mes plus belles bagarres avec Marcus Grönholm. Ça n’a pas toujours été facile. Il y en a eu d’autres : Petter Solberg, Sébastien Ogier, Mikko Hirvonen…
Damva : Votre pire accident ?
S.L. : En Grèce, on a fait sept tonneaux mais on s’en est sorti sans rien du tout.
Alexandre : Que vous évoque le rallye Monte-Carlo ?
S.L. : C’est notre rallye à domicile. Le départ se fait à Monaco et les courses en France. D’année en année, les conditions changent, ce rallye est toujours différent. Et puis, le public est derrière nous.
Lilou : A quel âge est venue votre passion pour la course ?
S.L. : On ne peut pas dire que j’étais passionné par la course car personne dans ma famille ne s’intéressait à ça. La vraie passion est venue avec mon premier rallye.
D.E. : Moi, c’était ici [au collège Charles-III, ndlr]. Je dessinais des voitures en cours. Mais il ne faut pas le dire [rires].
Lorenzo : Sur quel type de sol préférez-vous courir ?
S.L. : Ce que j’ai toujours aimé en rallye, c’est que c’est différent. Asphalte, terre, glace… J’ai toujours été bon sur l’asphalte. La neige, j’aime beaucoup aussi. Si on a de bonnes conditions, que la neige est bien verglacée, que les murs de neige sont hauts, ça peut être le plus beau rallye de la saison. On a de l’adhérence avec nos gros clous. Rouler à 200km dans les forêts enneigées de Suède, c’est incroyable. Quand ça fond, qu’il y a de la boue, que ça arrache les clous, ce n’est pas amusant. Franchement, je n’ai pas de préférence. J’aime le changement.
Anthony : Quelle est votre première victoire ensemble ?
S.L.: La première « vraie » victoire était en Allemagne. Notre premier titre en Corse fut l’aboutissement. La première victoire était à Monte-Carl’ en 2002, devant Tommi Mäkinen, mais on a été déclassé pour une connerie. Une histoire de règlement, de changement de pneus sur 100 mètres quand on rentrait au parc fermé. On s’en foutait car on était juste là pour prouver qu’on méritait de courir.
Lucas : Votre rencontre ?
S.L. : Sur un rallye en 1997, on roulait en formule de promotion pour se valoriser. Lui copilotait quelqu’un et moi j’étais pilote avec un autre. À l’époque, on n’avait pas beaucoup d’argent donc on partageait les gîtes avec d’autres équipages. On a sympathisé. Mon copilote avait peur, son pilote arrêtait le rallye. Pourquoi pas essayer ensemble ?
Florian : Pensez-vous prendre le départ d’un E-Rallye ?
Daniel Elena : Moi j’ai fait !
S.L. : J’ai déjà fait le Trophée Andros en électrique. Pourquoi pas ? Avant que les voitures de rallye deviennent 100 % électriques, il y a un peu de travail.
D.E. : Il y a le Monte-Carl’ électrique, tu peux venir !
S.L. : Oui mais on parlait de voitures électriques qui avancent (*) [rires].
D.E.: Moi je suis contre, je vous donne ma théorie. Il faut évoluer pour l’écologie mais, à l’heure actuelle, on ne sait pas ce qu’on va faire des batteries dans 30 ans. De plus, quand vous traversez, vous ne les entendez pas arriver. On a fait un E-Rallye, j’ai failli me prendre un vélo car il ne m’a pas entendu arriver dans le col de la Madone. C’est super dangereux.
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