INTERVIEW. Son avenir chez Ferrari, sa fin de saison... Le pilote monégasque Charles Leclerc se confie

Avant de décoller vers Austin, où débute aujourd’hui le GP des États-Unis, Charles Leclerc a évoqué, pour la première fois hors du paddock F1, son avenir chez Ferrari. A 21 ans, la ‘‘pépite’’ du rocher de Monaco a hâte d’entamer ce défi XXL.

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Gil Léon Publié le 19/10/2018 à 20:35, mis à jour le 19/10/2018 à 20:40
Charles Leclerc va entamer un défi XXL du côté de Ferrari. Photo Georges DECOSTER, Eric DAMAGNEZ et AFP

Parler en tête à tête avec un pilote Ferrari. Si l’on ne tient pas le micro d’une télé ou d’une radio payant des droits de diffusion exorbitants, aujourd’hui, ce genre de privilège relève de l’illusion.

A fortiori loin des paddocks très calibrés de la Formule 1. Mission impossible? Pas avec Charles Leclerc! Dimanche dernier, entre une escale à Paris pour divers rendez-vous, dont une visite au Mondial de l’Auto, et son décollage à destination d’Austin et du Grand Prix des États-Unis (essais libres à 17 h et 21 h), le Monégasque, qui a soufflé sa 21e bougie mardi chez lui, était au Castellet.

Supporter numéro 1 d’Arthur Leclerc, le petit frère achevant en terre varoise sa première saison estampillée F4. Une poignée de main, quelques mots pour engager la discussion et le feu vert s’allume, comme par enchantement.

Voilà le sacré rookie du team Alfa Romeo Sauber assis. Souriant, spontané, simple... Égal à lui-même, quoi, afin d’évoquer, pour la première fois hors week-end de course depuis sa nomination - le 11 septembre -, cette fabuleuse perspective qui se dessine à bord d’une monoplace écarlate frappée du mythique "cavallino rampante".

Charles, parlez-nous d’abord de l’instant où vous apprenez votre titularisation chez Ferrari. C’est quel type de frisson?

C’est très spécial. Franchement, je ne m’attendais pas à ce que ça se produise si tôt dans ma carrière. Moi, j’étais focalisé à fond sur la saison 2018 avec Alfa Romeo Sauber, sur les Grands Prix qui s’enchaînent vite. Au moment où la nouvelle tombe, à chaud, on trouve juste cela incroyable. Mais pas question de s’enflammer. Droit devant, il y a encore quatre courses. Mieux vaut rester concentré. Garder les pieds sur terre.

Le bruit de votre transfert a couru tout l’été. Comment avez-vous vécu cette période?

Il fallait faire avec. En F1, vous savez, tant que la décision n’est pas officialisée, tout peut être remis en cause rapidement. Il suffit de deux ou trois résultats médiocres... Alors, voilà, les rumeurs, j’en ai fait abstraction. L’essentiel, c’était d’effectuer le meilleur job possible en piste. Depuis le 11 septembre dernier, votre vie, elle a changé un peu, beaucoup ou pas du tout? Dans les paddocks, pas vraiment. Tout le monde se connaît. Ailleurs, en revanche, je suis plus souvent abordé.

A Monaco, en Italie, mon visage commence à être repéré...

Je reçois beaucoup d’encouragements. Ça fait super plaisir. Si on vous avait prédit une telle accélération du destin en début de saison... Nul doute que je serais tombé à la renverse! Surtout lors des trois premiers Grands Prix... Entre la F2 et la F1, croyez-moi, la marche est haute. Je l’avoue, j’ai eu un peu de mal à m’habituer à cette voiture.Pareil pour les autres facettes du boulot, toutes ces obligations, ces activités hors circuit multipliées à l’infini. Donc difficile d’imaginer alors ce genre d’évolution. Ferrari a l’habitude de recruter des pilotes très expérimentés.

D’après vous, pourquoi ont-ils décidé de miser sur la jeunesse maintenant?

Je ne sais pas. Cette question, vous devriez plutôt la poser à Maurizio (Arrivabene, le team principal de la Scuderia, ndlr). La Ferrari Driver Academy m’a énormément fait grandir. J’ai pas mal planché sur leur simulateur. Et parfois piloté leur F1 lors de "rookies tests" (photo ci-contre, à Budapest, en juillet 2017). S’ils font ce choix, c’est qu’ils savent à quoi s’attendre, probablement. Sergio Marchionne, le président de Ferrari décédé cet été, était un fervent partisan de votre promotion.

>>RELIRE. Le futur pilote Ferrari Charles Leclerc renoue avec le karting sur le circuit Paul-Ricard

"Je reçois beaucoup d'encouragements"

Vous le connaissiez bien?

Pas du tout. Je l’ai croisé deux fois à Monza, en 2016 et 2017. Je sais qu’il m’aimait beaucoup en tant que pilote. Et qu’il souhaitait me voir un jour courir pour Ferrari. Son avis a pesé. Tout comme celui de Maurizio Arrivabene au moment du choix final.

Que répondez-vous à ceux qui pensent que c’est trop tôt, que vous risquez de vous brûler les ailes?

Raisonner uniquement en terme d’âge, c’est réducteur. Il faut surtout voir le potentiel, les chronos, les classements. En F1, maintenant, on est vite prêt, même s’il n’y a presque aucun roulage entre les week-ends de course. Les séances de simulateur compensent. Regardez, Max Verstappen est arrivé très tôt chez Red Bull. Là, Pierre Gasly va le rejoindre. Et Ferrari fait aussi le choix d’un changement de génération. Avec moi. Tant mieux!

Compte tenu de la durée de votre contrat (4 ans), considérez-vous que 2019 sera une saison d’apprentissage?

(Du tac au tac) Ah non! Quel que soit son âge, un pilote qui arrive chez Ferrari doit être performant tout de suite. L’obligation de résultat s’avère immédiate. Par conséquent, mon premier objectif consistera à performer d’entrée. Une tâche difficile. Je le sais. Mais aussi un beau challenge que j’ai hâte de commencer.

Question cash: comme vous prenez la succession de Kimi Räikkönen, serez-vous le pilote numéro 2 l’an prochain?

Cette histoire de hiérarchie, on m’en parle souvent. Et je réponds toujours pareil. Chez Ferrari, en début de saison, il n’y a pas de différence de traitement. Équité parfaite. Ensuite, le pilote qui prend l’avantage au printemps peut bénéficier de faveurs, c’est vrai. Si je figure derrière mon équipier à un certain moment, il y aura peut-être des consignes.Je les accepterai. Normal. Mais avant, comptez sur moi pour donner le maximum lors des premières courses!

Sauf improbable renversement, Sebastian Vettel ne décrochera pas le titre pilotes 2018. Perso, vous auriez préféré débuter en compagnie d’un tenant du titre?

Il est déjà quatre fois champion du monde, hein! (Sourire) Couronné ou pas cette année, ça ne change rien à sa valeur, à son talent. Moi, je me réjouis de démarrer avec un Vettel dans le garage d’à côté. Ca va m’aider, me booster.

Il vous a souhaité la bienvenue?

Euh, pas vraiment. (Il réfléchit) Nous nous sommes croisés ici, au Castellet, le mois dernier. Lors des tests Pirelli, où j’ai roulé le premier jour et lui le second, il m’a dit qu’il était content pour moi.

Et avec Kimi, vous vous êtes parlé?

Non. Nous bavardions un peu avant. Mais rien depuis le changement de positions. Le concernant, on m’a juste dit qu’il comprenait la décision, qu’il ne m’en voulait pas.

Quel regard portez-vous sur son envie de courir et son coup de volant, intacts, à 39 ans?

C’est top de le voir comme ça après un si long bout de chemin. Et c’est super pour la F1 qu’il reste dans le milieu. Chez Sauber, Kimi passe déjà à l’usine chaque semaine, ou presque, paraît-il. Il prépare l’an prochain, se renseigne sur la future voiture. Quand on le voit de l’extérieur, difficile de l’imaginer ainsi. Motivé et impliqué à fond. Chapeau!

Sur son compte Twitter, votre fan-club a lancé un sondage demandant si vous parviendrez à décrocher une première pole position ou une première victoire en 2019. Moyennement optimiste, non?

(Il éclate de rire) Moi, comme n’importe quel pilote, je me fixe des objectifs très hauts. Si la prochaine Ferrari possède le même potentiel que celle de cette année, sûr que ce serait un peu limite d’obtenir seulement une pole et une victoire. Voire décevant. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agira de ma première saison en rouge. J’ai encore pas mal de choses à apprendre.

"Papa était le premier au courant de mon transfert"

L’un de vos fidèles supporters, SAS le prince Albert II, s’est montré élogieux dans nos colonnes. "Personnalité attachante", "esprit perfectionniste", "détermination sans faille": vous êtes d’accord avec ce portrait?

(Sourire gêné) Je ne sais pas. Il faudrait demander aux personnes qui me connaissent bien. Grand passionné de sport, le prince suit mon parcours depuis longtemps, depuis le karting. Son soutien me touche. J’apprécie beaucoup.

L’écurie Alfa Romeo Sauber, vous allez quand même la quitter avec un petit pincement au cœur?

Oui, surtout les personnes qui m’ont chaleureusement accueilli. Pour débuter en F1, je ne pouvais pas tomber mieux. Ils ont l’habitude de lancer les jeunes pilotes dans le grand bain. Certains vont me manquer. En premier lieu Fred Vasseur, un team manager juste génial. Inutile de le souligner, il suffit de voir la progression de l’équipe cette saison.

Encore quatre virages à négocier: l’ambition, c’est de chiper la 8e place du championnat constructeurs à Toro Rosso et de doubler Pierre Gasly côté pilotes?

Oui. Sur le front des équipes, c’est faisable car nous ne comptons que trois points de retard. Même si on a arrêté le développement de la C37 assez tôt, elle se montre encore compétitive. La fin de saison s’annonce compliquée. Mais rien d’impossible.

Avez-vous d’ores et déjà donné rendez-vous à votre ami Gasly sur les podiums l’an prochain?

Pour l’instant, nous avons seulement pris date pour passer les vacances du Nouvel An ensemble. Pierre, je devais avoir cinq ou six ans la première fois que je l’ai rencontré. Quand nous étions coéquipiers, en kart, on rêvait l’un et l’autre de F1. Et voilà. Nous montons dans un top team au même moment.

Chouette histoire! Esteban Ocon, lui, risque fort de vous regarder à la télé. Un commentaire?

C’est dommage pour la F1 de perdre un pilote de cette trempe. Esteban ne mérite pas d’aller sur le banc. Il réalise une excellente année. Son absence est temporaire, pas définitive. Il reviendra vite, j’en suis persuadé.

Le mot de la fin, Charles: là-haut, sur leur nuage, Hervé, votre père, et Jules Bianchi, votre parrain sportif, vous suivent. Que se disent-ils?

Je pense qu’ils sont heureux. Depuis leurs départs successifs, ils ne quittent jamais mon esprit. J’essaie de faire le max’ au volant pour les rendre contents. Papa était d’ailleurs le premier au courant de mon transfert chez Ferrari...

Comment cela?

Afin qu’il s’en aille apaisé, l’an dernier (en juin 2017), je lui avais dit que je venais de signer un contrat de pilote titulaire Ferrari pour 2019. Ce n’était pas vrai. Mais vous comprenez maintenant pourquoi j’ai mis les bouchées doubles ensuite.

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