"Drive to survive": comment Netflix lève le voile sur la F1 avec sa série-documentaire

En mars dernier, la plateforme américaine a diffusé une série-documentaire sur les coulisses de la discipline reine. Batailles du rail, guerres intestines, succès et échecs… Le producteur se confie.

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Thibaut Parat Publié le 25/05/2019 à 10:46, mis à jour le 25/05/2019 à 10:47
Sur un Grand Prix tel que Monaco, la production britannique met les gros moyens. Photo Cyril Dodergny et Jean-François Ottonello

Plus qu’un récit romancé de vingt-et-une batailles du rail, c’est surtout une plongée dans un microcosme à la communication d’ordinaire corsetée. Celui de la Formule 1, où placer des caméras indiscrètes dans les garages relève de la gageure.

Où percer la carapace de ces as de l’asphalte semble mission impossible. En diffusant en mars dernier la série-documentaire Formula 1 : Drive to Survive, Netflix - via la société de production britannique Box to Box Films - a frappé un grand coup.

Et réussi le pari audacieux de draguer bon nombre de profanes de cette discipline reine.

Une saison 1, authentique pépite contant les coulisses d’un championnat du monde 2018 âprement disputé.

"On n’est pas arrivé du jour au lendemain avec dix caméras. Ce fut un long processus, explique Paul Martin, coproducteur (*) connu pour ses films sur Cristiano Ronaldo ou encore Diego Maradona. Au début, ils étaient sur leurs gardes. Ils se questionnaient sur nos intentions. Ce qui est compliqué, c’est qu’il ne s’agit pas d’un seul individu. Mais d’un sport entier avec les plus grandes marques du monde. Il y a beaucoup d’ego, d’argent et d’enjeux… Une série est loin derrière dans leurs priorités."

"Pétrifiés à l’idée qu’ils ne nous laissent plus rentrer"

Une méfiance vite levée. Au fil des dix épisodes, on se délecte de ce feuilleton avec ces succès et échecs qui nourrissent la dramaturgie d’une saison.

De ces luttes entre partenaires, à l’instar des piques verbales mémorables entre Christian Horner et Cyril Abiteboul, les directeurs des écuries Red Bull et Renault à propos des moteurs français. Du langage fleuri de Guenther Steiner, le patron sportif de Haas.

Des guerres intestines entre Max Verstappen et Daniel Ricciardo, lequel prendra la décision, en fin de saison, de rallier Renault.

Difficile pour les acteurs de ce show de faire de la langue de bois avec les communications radio et les conversations captées, hors conférences de presse, par des micros indiscrets.

Et Paul Martin de livrer une anecdote lors du tout premier tournage au Grand Prix d’Australie. Le jour de la débâcle d’Haas.

"On sentait que c’était une bonne écurie à filmer. Ils étaient 5e et 6e lors de la course. On s’est dit que c’était incroyable. Et puis, en deux tours, on les a vus se désintégrer littéralement. Ce sont des équipes superstitieuses. Nous étions pétrifiés à l’idée qu’ils ne nous laissent plus rentrer chez eux", se marre-t-il.

Ce ne sera pas le cas.

Parfois, les déboires sur l’asphalte paraissent secondaires, tant le focus est fait sur les pilotes. Leur parcours, leurs sacrifices, leurs sentiments, leurs aspirations. "Je n’ai pas peur dans une voiture, confie ainsi Magnussen. On ne fait qu’un avec la voiture comme si elle était notre corps. Cela me donne l’impression de voler. C’est presque comme avoir des ailes."

Un volet humain qui fut la priorité des producteurs de ce documentaire à la sauce Netflix. "Ce n’est pas qu’on a délaissé la piste mais, en effet, elle est en toile de fond de notre histoire. On voulait comprendre pourquoi ces adolescents s’attachent à des fusées et parcourent ces rues à près de 300 km/h. On voulait remettre les pilotes au centre. Je n’étais pas un fan de F1 mais je suis très impressionné par ce que font ces gars", poursuit Paul Martin.

"Peur que la série soit une distraction"

Des intrigues de second niveau quand on sait comment Mercedes et Ferrari se sont écharpés pour rafler le sacre ultime. Mais, de fait, propulsées sur le devant de la scène avec l’absence remarquée des deux mastodontes et locomotives de la F1.

Les deux écuries ont tout bonnement refusé d’y apparaître. Ce sont les seuls. "Avec eux dedans, ça aurait été une série plus intense. Ils avaient leurs raisons de ne pas le faire et il faut respecter cela", commente Paul Martin, bien moins langue de bois à l’époque quand il confiait que les écuries "ne rendaient pas service à leur discipline et aux fans en restant à l’écart".

Mercedes, justifiant par la voix de Toto Wolff, qu’ils avaient "peur que la série soit potentiellement une distraction" dans la course au sacre.

Les verra-t-on dans la saison 2? Ferrari y réfléchit sérieusement. Mais, pour l’heure, aucun accord n’a été signé pour un second acte. Silence radio, donc. Rien ne filtre officiellement.

"Nous attendons le bon moment pour l’annoncer. Mais nous n’avons pas arrêté de filmer après la fin de la saison 1. Pour certaines courses, on est seulement trois personnes mais ici à Monaco, on est au moins une quinzaine", conclut Paul Martin. Une certitude : les aficionados attendent avec une impatience non feinte la deuxième saison de ce Game of Thrones, version Formule 1.

"POSITIF POUR LA F1 MAIS CE N'EST PAS DE L'INFORMATION"

Cyril Abiteboul, directeur général de Renault Sport Racing. Photo Cyril Dodergny et Jean-François Ottonello.

Si la série a reçu des critiques très positives de la part des paddocks et du grand public, certains protagonistes de ce feuilleton, à l’instar des pilotes Kevin Magnussen et Nico Hülkenberg, regrettent que des rivalités aient parfois été exagérées.

Que la "fictionnalisation du réel" ne respecte pas toujours la vérité. Certaines écuries ont même estimé être "mal payées de leur investissement", du fait de leur présence minime au montage.

Croisé dans les paddocks, Cyril Abiteboul, le directeur général de Renault Sport Racing, largement affiché dans sa relation houleuse avec son homologue de Red Bull, réagit à Formula 1: Drive to Survive.

"Il y a des contre-vérités"

 "Netflix est un bon projet pour la F1, on a besoin d’exister avec les médias modernes et il n’y a pas mieux que Netflix qui permet de toucher le grand public et les jeunes. Après, le seul commentaire que je ferai, c’est que ce n’est pas de l’information."

Il poursuit: "Les journalistes, c’est de l’info, avec des infos vérifiées et croisées avec une certaine forme de déontologie. Netflix, ils n’ont pas cette obligation, ce ne sont pas des professionnels de l’information. Le risque, c’est justement que les gens prennent ça pour de l’info. C’est du show, du divertissement. Il y a des contre-vérités qui sont présentées et qui me gênent un petit peu dans cette série. Mais globalement, c’est plutôt positif pour la F1. Après, les bisbilles avec Christian Horner existent et il aime bien présenter les choses comme ça. C’est son choix et je ne suis pas d’accord. Mais ce moment ne correspond pas à la réalité de notre relation."

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