Arthur, piloter sur ce circuit, c’était un objectif important depuis vos débuts en monoplace il y a cinq ans, non?
Bien sûr, on peut dire qu’un rêve se réalise aujourd’hui. Un rêve d’enfant parce que j’ai baigné dans l’ambiance du Grand Prix tout petit. Gamin, je regardais ces monoplaces comme des étoiles inaccessibles. Même lors de mes premiers tours de roues en championnat de France F4 (saison 2018, ndlr), le circuit de Monaco me semblait très loin. À des années-lumière. Impossible d’imaginer que j’y tutoierai la limite un jour.
Votre baptême du feu à domicile aurait pu se produire un an plus tôt si la F3 était revenue en Principauté l’an dernier...
En effet. Courir en F3 ici, sûr que ça m’aurait plu. J’aime beaucoup la Formule 3. Une voiture top à cravacher. Mais découvrir la piste au volant d’une F2, c’est un challenge encore plus ardu. Sacré défi!
Juste avant d’entamer la seule et unique séance d’essais libres, ce jeudi après-midi, vous penserez à qui, à quoi?
Au moment de m’installer dans le baquet, j’imagine que je serai pleinement concentré sur le roulage à venir. Mais depuis que le circuit a repris forme, au printemps, en voyant les tribunes, la piste, je pense souvent aux personnes qui nous ont aidés à grandir, à percer, Charles et moi. Nos parents, la famille, Jules Bianchi... Je le répète: voilà six ou sept ans, jamais je n’aurais pu songer un instant accomplir un tel bout de chemin. On est parti de si loin. Donc, ces moments, ces bonheurs, je les savoure à fond.
Un premier week-end de course à Monaco, ça se prépare comme n’importe quelle autre échéance?
Oui et non. Disons que j’ai eu la même approche que pour Djeddah, Bakou, des tracés que je ne connaissais pas. On me parle parfois d’une extra-motivation parce qu’il s’agit de Monaco. Mais non! Je travaille d’arrache-pied pour aborder dans les meilleures conditions chaque épreuve, quelle qu’elle soit. Impossible de faire autrement quand on a l’ambition de gagner partout.
Combien de courses en ville avez-vous disputées avant de cocher la case F2?
En fait, je ne comptais qu’une seule expérience: Pau en F4 française. Si je me souviens bien, il s’agissait seulement de mon deuxième week-end en sport auto. Dans ces rues, le décor défilait vite, les virages me sautaient au visage. Mais je m’étais plutôt bien adapté. Jusqu’à obtenir le 2e chrono en qualifications. Là, on vient d’enchaîner Djeddah et Bakou. Donc j’ai eu le temps de m’habituer.
En révisant vos gammes au simulateur, avez-vous déjà ressenti un petit frisson?
Oui, même virtuellement, ça fait bizarre de débouler pied au plancher dans ces boulevards, ces avenues que j’emprunte au ralenti d’habitude. Le virage 1 (Sainte-Dévote), c’est l’endroit où je prenais le bus chaque matin pour aller à l’école. Là, il n’y a plus de limitation de vitesse. À 22 ans, je peux foncer sans risque de tomber sur la police. Dingue!
Y a-t-il un virage que vous avez particulièrement hâte de négocier en vrai?
L’enchaînement des ‘‘S’’ de la Piscine! Un passage rapide et technique. Mon plus lointain souvenir de spectateur se situe précisément ici. J’étais très jeune et j’en prenais plein les yeux, plein les oreilles!
Après huit courses, vous occupez le 7e rang de la hiérarchie et le 3e au classement des rookies. Satisfait?
Non! Clairement, il y a moyen d’être plus rapide. Trop souvent, il nous a manqué un peu de vitesse, de rythme, en qualif’ comme en course. L’étape de Bakou en fut l’illustration. On n’a pas réussi à maximiser chaque séance. Pareil lors des trois jours d’essais effectués ensuite à Barcelone. Mais je reste positif. La F2, vous savez, c’est un championnat long, compliqué. Continuons à bosser dur pour progresser. DAMS (l’écurie française dirigée par l’ancien pilote de F1 Charles Pic qu’il a rejoint l’hiver dernier) monte en puissance. Et puis on arrive maintenant en Europe, sur des circuits classiques que tout le monde connaît. De quoi espérer des lendemains meilleurs.
Ce samedi après-midi ou ce dimanche matin, à l’issue de l’une des deux courses, vous, Arthur, pouvez devenir le premier Leclerc à monter sur le podium princier. Avez-vous discuté de cette éventualité avec Charles?
Non. Que Charles ne soit jamais parvenu à couper la ligne d’arrivée en vainqueur à Monaco jusqu’à présent, pour moi, c’est un crève-cœur. Sur ce circuit, il a réalisé de telles performances. Il a décroché des pole positions, en F2 puis en F1 avec Ferrari. Il mériterait amplement de figurer au palmarès. Dans mon esprit, d’ailleurs, il a déjà gagné!
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