Un expert raconte l'histoire de six siècles d'architecture militaire à Monaco dans un livre préfacé par le prince Albert II

Claude Passet raconte dans un récent ouvrage de 166 pages six siècles d’architecture militaire du XIIIe au XVIIIe siècle et il tire un trait sur la légende du prétendu château sarrasin.

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JEAN-MARIE FIORUCCI Publié le 06/03/2023 à 12:52, mis à jour le 06/03/2023 à 10:31
Une vue sur le rocher de Monaco, où est situé le palais princier. Photo Jean-François Ottonello

"Monaco place forte". Un titre qui définit à la fois le riche ensemble fortifié de la Principauté et réunit la somme des nouvelles recherches publiées par Claude Passet, avec une préface du prince Albert II. Chercheur impénitent, devenu un expert très compétent dans le domaine de la documentation historique sur le passé monégasque, son ouvrage de 166 grandes pages* aborde l’intéressante étude des fortifications ceinturant le Rocher des Grimaldi.

Un triangle délimité par la rue des Remparts, la pointe Saint-Martin et la ruelle Sainte-Barbe, où foisonnent murailles, échauguettes, tours, bastion, fortin, redoute… Une sorte de témoins mégalithiques de ce vaste système défensif, certes bien obsolète de nos jours. Outre une abondante iconographie, les textes détaillent clairement toute l’activité entreprise pour préserver et rehausser cette acropole de 0,2 km2 qui culmine au plus à 60 m d’altitude.

La couverture de l’ouvrage de Claude Passet. Photo DR.

"Des secrets ont été levés"

Cet éclairage se prévaut de nouvelles vertus chartistes, car les publications précédentes de MM. Gustave Saige, Léonce de Villeneuve et Léon-Honoré Labande concernaient uniquement des travaux effectués de la fin du XIXe siècle jusqu’aux alentours de 1930. En clair, ces auteurs s’étaient penchés exclusivement sur le palais de Monaco, avec le seul point de vue de l’archiviste pour MM. Saige et Labande. "Depuis, souligne Claude Passet, les recherches en architecture militaire ont fait un bond en avant et des secrets ont été levés. Il était aberrant d’occulter les avancées dans un tel domaine et judicieux de les étendre à l’ensemble des fortifications. Car, longtemps convoité, les seigneurs et princes de Monaco n’auront de cesse de sauvegarder la souveraineté et l’indépendance de leur Rocher."

Que de batailles ! Que d’effervescence militaire! Que de pièces d’artillerie ont été le théâtre de conflits dès le milieu du XIe siècle. Ce "caillou stratégique", possession de l’abbaye de Saint-Pons à l’époque, était un territoire âprement disputé par le comte de Provence, qui y bornait les limites de ses possessions, et par Gênes qui prétendait l’exclure. Ces derniers s’empresseront d’ailleurs de faire reconnaître leurs droits le 2 juillet 1191 en convoquant témoins, notaire et émissaire de l’empereur Henri VI. Et comme il n’était pas question de partager le moindre fragment de terre, les Liguriens libéreront ce territoire de leurs derniers propriétaires par la force des actes et avec beaucoup de difficulté dès qu’il faudra traiter avec l’abbaye de Saint-Pons.

Retracer les grandes lignes de l’histoire nationale

"Sur trois siècles, du Xe au XIIIe mentionne encore Claude Passet entre autres exemples, seuls quinze textes ou documents, dont l’acte officiel de la fondation de Monaco, nous sont parvenus. C’est peu! Mais cela reste suffisant pour retracer les grandes lignes de notre histoire nationale, si l’on accepte les éventuelles lacunes." D’ailleurs, le retour récent sur la consultation opiniâtre des textes anciens offre à l’auteur l’intérêt d’aborder une période douteuse, souvent admise sans être pour autant soumise au contrôle heuristique. La place forte du palais princier bénéficie ainsi d’un éclairage inédit sur une bâtisse plus spécialement honorée d’histoire : le premier château construit par Fulco de Castello en 1215.

Pour être exhaustif, Claude Passet attribue à Charles Grimaldi, seigneur de Monaco entre 1341 et 1357, les trois tours en façade du palais actuel, dont la typologie de ces constructions rappelle bien le XIVe siècle avec des murs très épais supportant des voûtes et talutage à la base.

Cet ouvrage, où tous les sites fortifiés et les grandes dates qui ont marqué la grande Histoire de Monaco sont répertoriés chronologiquement, demeure un précieux outil pour les chercheurs. Comme une mine de connaissances pour les passionnés d’anecdotes sur le Rocher.

Avec un complément intéressant: un chapitre interroge sur une protection réelle ou une sécurité illusoire, ou encore sur le temps de la paix. Puis, en annexe, il est abordé notamment le problème de l’eau sur le Rocher, la fonderie et la fabrication de la poudre à canon. Comme la datation au carbone 14 de la poterne sud par Olivier et Elena Notter. Une façon sérieuse de remettre en question d’autres légendes locales. Et la louable intention de faire revivre cette place forte de Monaco au temps de son apogée. Un sommet, voire un zénith qu’elle n’a jamais quitté depuis le Moyen-Âge…

*Pour commander l’ouvrage avec la collaboration d’Inès Igier-Passet et publié par Édition E.G.C. avec le concours de la Sogeda Monaco, s’adresser à Diffusion ALD en téléphonant au 06.83.58.06.38.

Un prétendu château sarrasin du Xe siècle

Le paléographe éradique en quelques paragraphes la légende obstinée, coriace et séculaire d’un prétendu château sarrasin du Xe siècle dont une partie de la structure aurait servi à l’édification du castrum de 1215.

"D’emblée, précise-t-il encore, ces vestiges n’avaient pas attiré à ce jour l’attention d’historiens. Or, les Maures ne se sont jamais installés de façon permanente dans notre région, à part quelques expéditions-razzias sporadiques. Quant aux quatre tours érigées en juin 1215 afin de constituer le premier château de Monaco, il ne subsiste plus que celle de Serravalle, dont les planchers des quatre étages reposaient sur de faibles murs, typiques de nombreuses constructions du début du XIIIe siècle."

Et de rajouter: "La typologie des trois tours en façade du palais actuel, dont l’Ouest a été reconstruit au début du XIXe siècle, infirme l’hypothèse selon laquelle ces constructions en hauteur faisaient partie des quatre mentionnées par Ogerio Panesio, contemporain des faits."

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